Tremblements de terre, concombres et préservatifs

Publié le par Lisa

 

Bonjour les enfants ! Cet article au titre aguicheur d’attention a pour but de narrer les réactions des gens à la phrase « je pars en Erasmus ».

 

Quand vous dites ça :

70% des gens disent quelque chose de positif, comme quoi c’est cool, que c’est une chance, une expérience, et autre mots en –ence (non, pas flatulence, qui a dit ça ?)

20% vous regardent avec l’air de se demander si vous êtes maso, secrètement forcée de le faire, ou tout simplement en train de perdre la boule. Leurs répliques préférées : « Mais pourquoi tu fais ça ? POURQUOI ? » ; « Mais t’as pas PEUR ? » ; « Ouhlà, moi j’pourrais JAMAIS faire un truc comme ça ».  Limite, ils te culpabiliseraient de pas être assez stressée. (Si il y en a qui passent par là, je vous rassure, cette nuit j’ai rêvé de la fin du monde (un truc du style terriblifique, 2012 peut aller se rhabiller), et que je me cachais avec des autres survivants dans une tente plantée dans une gravière (mon instinct de survie dans mes rêves est un peu limité), et hier je me suis aussi surprise à penser que ça allait être dur de passer 5 mois minimum sans manger de munster, donc inconsciemment, je dois bien angoisser un peu quand même)

Les 10% qui restent sont des bons, ils ont été nourris au cliché depuis leur naissance, ils ont assimilé le cliché à l’intérieur et ça se voit à l’extérieur, immanquablement ils vous sortent une phrase culte.

 

 

« Ah, moi je sais pourquoi t’as pris Munich, ça c’est sûr, c’est pour la fête de la bière »

Bah non, en octobre je serai en Espagne. Raté. 

 

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« Murcia tu dis ? C’est pas Mürrrssie plutôt ? Ah, c’est là qu’il y avait le tremblement de terre là, enfin pas loin »

Bon, ça c’est vrai, ok.

 

« Ooooh, mais tu vas nous ramener un espagnol toi ! »

Je vois pas pourquoi je vous le ramènerai, allez vous en chercher un vous-mêmes !

 

« Donc tu vas en Allemagne juste après l’Espagne ?  Waouw, ça va te faire un choc culturel »

Ouijesaisetthermiqueaussi.

 

« Ooooh, Murcia, c’est pas là où… ? »

« Oui, oui, le tremblement de terre »

« Nan, nan, les concombres contaminés par la bactérie E.Coli, c’était pas de là aussi ? »

Donc, que ce soit clair pour le reste de l’éternité, les concombres espagnols n’avaient rien à voir avec leur bactérie à la noix, c’était les graines germées, faut arrêter de s’intoxiquer le cerveau en regardant TF1, please. Et achetez des concombres, sinon les agriculteurs de ma future terre d’accueil y auront plus de sousous, et d’ici que j’arrive, y aura plus personne.  J’ai d’ailleurs moi-même décidé de soutenir toute seule l’économie espagnole en achetant un max de concombres (et quand même, c’est assez lassant comme goût, du coup je me suis lancée dans la fabrication de cosmétiques bio maison à base de concombres. Contactez moi pour la recette des patchs anti-cernes et de la crème hydratante au concombre). 

 

 


 

 

Les plus rigolos du lot, c’est les banquiers/assureurs et les médecins. J’ai du en faire le tour avant de partir, les banquiers/assureurs pour organiser tout le tintouin bancassural de quand je serai là-bas, les médecins pour vérifier que je fonctionne encore physiquement et pour pas avoir à courir chez un médecin étranger à cause d’une rage de dents deux semaines après mon arrivée. Bon, la raison principale est surtout de rassurer ma maman en fait (qui aimerait bien qu’on me trouve une allergie aux moustiques andalous histoire que je reste tranquillement en Alsace).

 

 

Commençons par l’assurance maladie santé, tintouin. Incroyable mais vrai, l’affaire a été réglée en une matinée. De 8h30 à midi 30, certes, mais une matinée quoi !!! Ca se présente comme ça : appel à la mutuelle étudiante, musique de merde du répondeur, karaoké en playback (en playback pour qu’il ne m’arrive pas de truc anecdotique terrible) de moi-même (enregistré sur webcam s’il vous plaît, avec le pyjama betty boop et les cheveux en pétard en prime. Oh non, vous ne verrez jamais cette vidéo, elle vient de disparaître dans la corbeille, qu’elle repose en paix…), réponse de la madame qui ressemblait à s’y méprendre à ça (clicke the link !), ça m’a beaucoup aidée, du coup elle m’a donné le numéro de la centrale de la mutuelle à Créteil. J’appelle le numéro à Créteil, pis partant du principe qu’il y allait de nouveau avoir un quart d’heure de musique moisie et que j’avais pas envie de refaire un karaoké silencieux (il faut s’économiser des fois) je suis allée refaire du café (ooooh, vie passionnante, quand tu nous tiens !), et là, pof, il a suffi que je parte pour que ça réponde (Note : je saurai comment faire la prochaine fois).  La madame de Créteil, elle savait pas trop non plus quoi faire pour s’assurer à l’étranger du coup elle m’a donné le numéro de la complémentaire associée à la mutuelle (ici, le lecteur est autorisé à prendre une demi-aspirine. Demie, hein, vous risquez d’avoir besoin de l’autre moitié plus tard). Je note le numéro, j’appelle… et là je ne sais pas ce que j’ai foutu, mais je suis tombée sur un truc de toilettage pour chiens. Je sais pas si tu vois la situation, lecteur, mais je te promets que c’est énorme comme expérience, tu entends le clic du décrochement, tu te disloques littéralement sur place d’avoir atteint le Graal des assureurs, et là tu entends… « Toilettage canin Isidore, bonjour ? ».

Au final, c’était moi qui m’était gourée dans le numéro (comme quoi l’erreur est humaine, ou alors j’ai un futur dans l’administration) parce que quand j’ai rappelé (après moultes respirations profondes préventives anti-fou-rire) c’était bien la complémentaire. Et ça a signé la fin de la matinée de l’horreur (parce que, au passage, je vous signalerais que je suis un peu téléphonophobique sur les bords, moi, hein). 

 

 

 


 

 

Autre rendez-vous d’importance : le banquier.

 

 « Bon, alors, vous venez me voir parce que vous partez faire vos études à l’étranger c’est ça ? »

« Oui ! » (il a eu l’air content, j’ai eu envie de lui dire un truc du style « Waouuuuw,  bravo, tu as gagné un bon point ! », mais je me suis retenue et ai essayé d’avoir l’air normale, parce que des fois ça peut faire bonne impression).

« Ah, et euh, quel pays ? »

« Bah, l’Espagne et l’Allemagne, oui oui, les deux, et dans cet ordre »

* Silence interloqué de 3 secondes, l’idée me vient de faire une grimace ou de claquer mes doigts sous son nez pour voir s’il est toujours parmi le monde des mortels, mais je me retiens *

« Aaaah, mais c’est l’Euro là-bas, c’est super, moi qui croyais que vous partiez je sais pas où genre au Canada (ah, aurai-je l’air trop con pour partir dans un pays non francophone ?) où il aurait fallu changer de monnaie (bah vous êtes banquier, c’est pas votre métier ?) et où ça aurait été compliqué  et ah mais c’est vachement bien de partir comme ça, c’est une chance/expérience/flatulence, vous allez où en Espagne? » (aïe, ça fait mal quand il retrouve la parole dis donc) (vous remarquerez que comme la majorité des gens M. Banquier se préoccupe à mort de l’Espagne et ne se préoccupera de l’Allemagne que plus tard quand le sujet latino sera épuisé. Aurai-je une destination exotique ?)

« A Murcia. Mais je pense que vous ne savez pas où c’est » (J’aime créer un peu de mystère autour de moi )

« Maiiiiiis si ! C’est en bas de l’Espagne, vers la droite un peu, nan ? »

* J’ai envie de crier « une description troublante de précision !! », mais je me re-re-re-retiens. Vous remarquez que je passe mon temps à me retenir de dire des trucs complètement barrés et à sourire gentiment au monsieur. Je vais pas tarder à atteindre le niveau psychologique d’une Miss France à ce rythme-là*

« Vous avez vu, votre banquier est pas si mauvais en géographie !! »  *ahem, quel est ce regard charmeur ? Au secours. *

« Oui, en général faut dire aux gens que c’est là où il y a eu des tremblements de terre pas loin, après ils situent tout de suite mieux »

« Oui oui. C’est de là que je connais »

« Hum. Je me disais aussi ».

 

S’en suit une longue conversation, et des tentatives pour me vendre tout, tout, tout et n’importe quoi.

 

 


 

 

 

Passons aux médecins, qui sont encore plus croustillants. Déjà, quand tu leur dis que t’es en fac de langues, c’est le début des regards effrénément effarés, parce qu’eux tu vois, ils ont fait médecine, c’est la voie royale, ils imaginent même pas qu’on puisse vouloir faire autre chose. Le mot fac de langues ayant été prononcé (en évitant toutes les blagues lourdissimes insistant bien sur le mot langue), tu vois qu’ils ont ZE question en tête : elle est tellement bête qu’elle a pu rien faire d’autre ou c’est une hippie dégénérée en puissance ou LES DEUX A LA FOIS ?? (Mon égo préfèrerait qu’on réponde oui à la question 2, tant qu’à choisir). Tu leur dis que tu pars en Erasmus, là, c’est la fin. Ils choisissent donc la 3e solution : cette fille est masochiste avec un grave problème mental.

(Je ne dis pas que tous les médecins sont comme ça, hein, seulement les miens).

 

 

 

L’exemple le plus reluisant, le plus brillant comme du parquet fraîchement ciré : c’est ma dentiste (accompagnée de sa secrétaire et de son assistance, le lot des 3, c’est un peu comme les 3 Mousquetaires, sauf en beaucoup moins bien).

 

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La secrétaire :

«Bonjour, c’est pour un contrôle ?»

Réponse de Lisafurax : « Bah oui, pis heureusement hein, pasque on a pris rendez vous y a 6 mois quand même, alors si ça avait été pour une urgence, mes dents auraient déjà eu le temps de toutes se déchausser et je les promènerais avec moi dans un bocal de formol ».

(Oui je sais, je regarde trop de films moi.)

Réponse de Lisapolie : « Oui, c’est pour un contrôle, parce qu’après je partirai un an à l’étranger, donc, je venais avant de partir pour euh… contrôler » (Remarque : quand je suis polie, je trouve que je perds en force d’expression. Je devrais pas l’être).

« Ah bon » (air d’indifférence total, mais bon, je tenais pas à l’intéresser à ma vie) « Et vous allez où ? »

« A Murcia »

« C’est où ça ? »

« En Andalousie » (oui je sais c’est pas vraiment encore en Andalousie, mais faut bien raccourcir, et j’avais pas envie de parler de tremblements de terre et de concombres ce jour là).

« Ah ». Silence, air gêné et contrarié, avec une lueur de désespoir.

 

Trois interprétations possibles :

  1. En Andalousie, ils ont pas d’hôpitaux, de médecins et de dentistes, ou alors dans un état d’insalubrité incroyable avec des œufs d’araignée venimeuse sauvage qui traînent partout
  2. Notre amie l’assistante dentaire PENSE qu’en Andalousie, ils ont pas d’hôpitaux, de médecins et de dentistes, ou alors dans un état d’insalubrité incroyable avec des œufs d’araignée venimeuse sauvage qui traînent partout
  3. Notre amie l’assistante dentaire ne sait absolument pas où peut bien se trouver l’Andalousie, sûrement un pays du Tiers Monde non ?

 

Je vais être médisante, mais je penche pour la troisième solution.

 

 

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La dentiste :

«Ooooh, salut Lisa, qu’est ce que t’as grandi ! T’es en quelle classe maintenant ? »

Véridique. Ou comment m’énerver triplement (tutoiement intempestif, dire que j’ai grandi, et je ne parle pas de la question) en une phrase. L’espace d’un instant j’ai envisagé de la coller au mur et de la torturer avec toutes ses fraises à roulettes et compagnie… Heureusement pour elle, je n’ai pas encore réalisé mon rêve de devenir ceinture noire de karaté, quoique un de ces jours je vais sérieusement m’y mettre si ça continue.

 

« Bah, là j’suis en CE1, j’espère passer en CE2 à la fin de l’année, mais je suis pas sûre d’y arriver du premier coup. Pis j’ai arrêté de grandir à 15 ans, au fait ».


Chute de 20 étages du sourire-hypocrite-jusqu’aux-oreilles. Quel drame.
Honnêteté oblige, j’ai quand même été obligée de leur dire ce que je faisais vraiment dans la vie. Du coup l’assistante dentiste (oui oui, ce récit est bien fourni en personnages farfelus) a attendu que j’aie l’aspirateur et l’espèce de ponceuse à dents dans la bouche pour déclarer avec un petit air pincé « pah, moi aussi je prendrais bien 5 mois de vacances en Espagne au soleil… ».

 

La prochaine fois, je lui recrache son aspi à la figure. Promis. 

 

 


 

 

 

Là-dessus, il me restait la visite la plus rigolote : la gynéco. Les gynécos sont bien plus près de la réalité triviale du monde que les dentistes, et en voici la preuve : elle ne m’a pas laissé dire trois phrases avant de me regarder d’un air horrifié et de me dire : « Mais… mais… MAIS… vous savez AU MOINS dire préservatif en espagnol ??? »


 

(Et là, vous avez l’explication du titre)

 

Les préjugés ont encore de beaux jours devant eux en tout cas.



Sur ce, j’ai un masque au concombre à enlever, moi, et je vous laisse avec mon nouvel ami rigolo:

 

 


 


Publié dans France!

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L
<br /> J'imagine oui! Déjà avec l'Espagne les gens avaient l'air de croire que je partais en mission commando suicidaire, alors au Ghana... :)<br /> <br /> <br />
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E
<br /> EEEEEEEEE-NOOOOOOR-MOOOOUUUUUUS !!!<br /> Et tellement vrai.<br /> Imagine la même chose, version départ au Ghana ! :)<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Vivement ton départ, Lisa !! qu'on puisse lire la suite de tes trépidantes aventures hispano-germaniques ! olé !!<br /> <br /> <br />
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D
<br /> Arf, je surkiffe "le niveau psychologique d’une Miss France à ce rythme-là". Que de péripéties ! Mais c'est toute la magie Erasmus. Sinon, la vanne de "ahh, tu fais une fac de LANGUES", je<br /> compatis, c'est dément.<br /> <br /> <br />
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